Certaines gens prennent pour de la pure déveine une opportunité qui n’en a pas été une. Ils se sont rués vers un concept d’argent facile comme des spermatozoïdes vers l’ovule.

C’est comme les garçons et le derrière ergonomique d’une fille, la jugeote est dans la culotte.

Avec avidité, ils ne voient pas ce qu’ils ne veulent pas voir.

Ils se sont mis un truc dans le crâne. Et comme l’ovule est une bulle de savon, ils reviennent la queue entre les jambes demander réparation auprès de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes : «au secours !», «A l’aide !», «Au meurtre de mes économies !»

Bon, je vous explique.

Il était une fois un monsieur qui vivait dans une espèce d’univers parallèle.

Bernard, en effet, vaquait à ses soucis d’argent en transgressant les règles.

Bernard s’était un temps rêvé Emir du Koweit. Il se contenta de vendre des maisons. Parce qu’il croyait mourir d’ennui, il inventa un concept financier.

Un jour, il appela tous ses copains,  il avait quelque chose d’important à leur dire.

Pendant des semaines, il se rendit chez chacun d’eux. Bernard ouvrait sa mallette, sortait une pile de plans de maison. Halluciné, excité, enflammé, Bernard expliquait comme il put son idée.

Le projet immobilier était luxueux.

Il s’agissait de vendre des maisons d’une valeur de cinq cent mille euros au moins. Rien ne semblait plus normal, excepté la mise à prix : la moitié moins, deux cent cinquante mille, tandis que le prix de revient s’élevait à bien plus : quatre cent mille euros.

« Prions pour que Bernard ne soit pas tombé sur la tête », pensaient quelques uns.

Comment pouvait-il vendre moins cher quelque chose qui lui coûtait beaucoup plus

« Ne vous inquiétez pas, j’ai tout prévu », rétorquait-il.

Désiriez-vous désespérément acheter une maison ? Bernard vous en vendait une, à cinquante pour cent de sa valeur, neuve de surcroît.

Vous aviez cependant une contrainte, trouver un client qui acquerrait lui aussi sa maison dans les mêmes conditions : commander une maison à vil prix moyennant de dénicher un quidam. Et ainsi de suite...

Cette stratégie évoquait l’image d’une réaction en chaîne. Un jour, un ami de Bernard déclina son offre. Il jeta à la figure de Bernard : « La connerie humaine vit dans une forteresse dont l’épaisseur des murs n’a d’égale que tes idées fumeuses ». Gros blanc...

Le fait est que Bernard signa beaucoup de clients.

Le hic, c’était le prix de revient par maison. Il lui fallait vendre deux maisons pour en financer une. Mais tant que les acquéreurs parrainaient d’autres clients, ça allait.

Avec son stylo Montblanc noir café, il parafait un contrat par lequel il s’engageait à bâtir chaque maison.

Un jour, il eut le regard vitreux d’un brave gars qui reçoit une tuile sur la tête. Un trop grand nombre de clients n’en parrainaient aucun.

C’était les derniers arrivants dans le jeu de sa chaîne maudite.

Le souci de Bernard tenait à l’incapacité de financer une trentaine de chantiers. Or il avait commencé d’être payé pour cela.

Les victimes eurent le regard vitrail d’un pigeon laissé sur le carreau.

Il n’en fallut pas plus pour voir la justice lui coller des chefs d’escroquerie. Vous imaginez la suite... Scandale et procès, désolation et prison. Après quoi, il faut bien en sortir.

Voilà donc Bernard parti pour l’étranger. Nul ne sait vraiment où il déposa ses bagages. C’était sa méthode à lui, se cacher, se poser, gamberger. Préparait-il un coup ?

En fait, il se sentit tout gonflé de l’envie d’écrire sa vie dans un livre. Mais sa plume n’obéissait qu’à raconter des combines. Des trafics. Des micmacs.

Un jour qu’il faisait sa promenade, il repensa à la chaîne de clients qui achetaient ses maisons. « Faisons donc d’un désastre une opportunité ».

Bernard était au taquet quand il réfléchissait. Fort grand connaisseur de la faiblesse humaine, il se prit à rêver. A rêver à un nouveau concept.

Il décida de le coucher par écrit, puis de le publier sur le web. Contre monnaie sonnante et trébuchante, bien entendu.

Tâchez donc de bien suivre la suite.

Le nouveau concept de Bernard réinventait une chaîne sans les inconvénients de celle des maisons. C’était à présent sans prix de vente inférieur au prix de revient.

Cupidité, avidité, rapacité rassemblaient l’essentiel de sa nouvelle idée.

La cupidité serait stimulée par la proposition de gagner de l’argent sans rien faire. Rien de plus simple, vous créez une chaîne d’adhérents à qui vous promettez d’avoir des filleuls sans avoir à les chercher eux-mêmes.

A la vue d’un produit dont personne ne peut se passer, l’avidité était au rendez-vous.

La rapacité s’auréolait de gloire en débauchant massivement dans les entreprises du secteur.

On imagine sans peine la pâleur et la fascination sur les visages de ceux qui découvraient un plan de rémunération à la fine pointe de gagner de l’argent sans rien faire.

Pour être plus précis, Bernard proposait de vendre du sel de table. 

Puisqu’il était clair que tout le monde en consomme, tout le monde en achèterait à la condition de lui donner une spécificité.

Pris au hasard dans la gamme des herbes de chine, le pachyme fut choisi.

Mixé à du sel et consommé en Chine depuis deux mille ans, ce champignon possédaient des vertus. Des rafales de vertus.

Pour la première fois, la consommation de sel devenait thérapeutique.

Tout cela se passait de l’autre côté de la science, dans l’univers des affirmations gratuites. Peu importait l’ineptie, pourvu qu’il fût simple d’enrichir quelques uns.

Grâces soient rendues à Bernard qui inventa un plan de rétribution hypnotique. 

Attrapé vivant dans un filet de promesses, un consommateur n’aurait plus à payer ce condiment minéral. Il lui suffisait de parrainer une personne qui souhaitait également n’avoir pas à payer pour saler ses repas. Laquelle dupliquerait la même chose.

Bien sûr, entrer dans le jeu nécessitait une mise dite de fond.

Et nous voilà perdus, en possession d’un plaisant stock de départ : deux ans de consommation de sel.

Le sel au pachyme piquait la langue et colorait les urines. Cela fendait l’âme à la pensée qu’on y goûterait pas vraiment tous les jours. Pouah... !

Il y a mieux. Dix fois plus, c’était dix fois plus cher qu’en supermarché.

Avec cette offre canon obstrué qui t’explose à la gueule, non d’un chien, il n’était pas facile de la vendre tous azimuts.

Donc, on ne la vendait pas, en tous cas pas à des clients classiques. Mais attendez...

Ce dont rêvait Bernard, c’était un commerce où il n’y a pas de client. Rien que des distributeurs qui vendent à des distributeurs. Or donc, seuls ces derniers consommaient, ou plutôt achetaient et stockaient, car ils y goûtaient si peu, à ces montagnes de sel au pachyme.

Rien de bizarre non plus, commander tous les mois des produits était obligatoire : une condition requise pour toucher des commissions.

Puisqu’il n’y avait pas de consommateur, ni même des distributeurs susceptibles de se transformer en clients, seul vendre des pack de démarrage rapportait de l’argent.

Le tout emballé dans l’hypertrophie imaginaire d’un recrutement exponentiel, que vous n’aviez nul besoin de faire. Car on recrutait pour vous.

Bernard avait scellé un accord pour un conflit avec la logique.

Mais dès qu’il est question d’argent facile, le bon sens s’envole jusqu’à la pulvérisation.

La morale de l’histoire : ce n’est pas parce qu’on vend un produit qu’une chaîne de Ponzy (une fraude financière) ne s’y dissimule pas. Le vernis des vanités finit toujours par se ternir et par laisser voir les épreuves d’une certaine mine de sel.

Prenez soin de qui vous êtes, sans sel au pachyme. 


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